#1 Dossier: Attention à la publicité : « la » métrique du futur ?

“Attention is the next currency” : pour certains, la mesure de référence pour les médias et la publicité devrait porter non sur la simple exposition (opportunité de contact), mais sur une exposition attentive. Quitte à en faire une référence standard pour tout le marché média, y compris sur le plan économique. Il faudrait pour cela au moins que la mesure de l’attention soit réellement « cross media ».

En très bref :

  • Déclaratif ou observé (mais dans des protocoles précis et parfois lourds), le recueil de l’attention à la publicité a pris actuellement deux directions opposées.

  • On retrouve pourtant certaines similitudes entre les résultats délivrés par les deux courants : heureusement, ce qui est considéré comme hautement générateur d’attention par un courant n’est pas fondamentalement contredit par l’autre.

  • Les méthodes passives sont très précises et permettent d’aller loin dans le détail. Mais elles ne couvrent que les aspects visuels.

  • A l’inverse, les méthodes déclaratives fournissent souvent de précieuses explications sur les facteurs de perception liés à l’attention publicitaires.

  • L’attention la plus forte n’est néanmoins pas le seul élément générateur d’efficacité publicitaire. Cette attention maximale est effectivement plus performante que ses formes les plus faibles, mais la différence ne vaut peut-être pas toujours la peine.

  • D’autant qu’il est peut-être crucial d’avoir toute l’attention des consommateurs s’il n’y a qu’une seule exposition, mais lorsque plusieurs messages sont délivrés dans plusieurs médias différents, une attention faible n’est pas nécessairement un handicap.

 

Le sujet de l’attention à la pub est on ne peut plus actuel. On trouvera ci-dessous un éventail très récent de publications sur le sujet. Devant l’accélération des connaissances et des études, certains n’hésitent pas à considérer que l’audience attentive devrait être le nouveau standard de mesure de référence pour les médias : « Viewer attention will inevitably become the new gold standard for media buys » (nous insistons sur le terme « spectateur » : c’est un élément extrêmement important pour la suite). Ambitieux programme : il faudrait pour cela qu’il y ait sur le sujet des méthodes qui font l’unanimité et qui couvrent tous les médias. Il est donc utile de commencer par un tour d’horizon des études les plus récentes.

Actuellement, on pratique essentiellement deux manières d’étudier l’attention à la publicité : l’une se fait par voie déclarative, au moyen de questionnaires structurés, l’autre utilise des méthodes passives, censées observer le comportement de consommateurs de médias en situation normale. Nous verrons que l’observation se base sur des protocoles qui peuvent influencer les comportements.

« Quel degré d’attention portez-vous à la publicité ? »

Les méthodes peuvent varier, mais globalement les approches récentes se basent sur des questionnaires adressés en ligne à des échantillons représentatifs de consommateurs. Sans nécessairement être exhaustif, voici quatre études récentes qui reposent sur des déclarations de répondants:

MagneticMedia.png

Magnetic Media

Grande-Bretagne 2018

N= 2000

8 catégories de médias investiguées

MyMedia.png

MyMedia

France 2018

N= 4002

31 combinaisons catégories de médias/formats étudiées

MagneticMedia.png

Magnetic Media

Grande-Bretagne 2020

N=1000, extrapolation sur TGI GB (24.000 répondants)

10 catégories de médias investiguées

Space.png

SPACE

Belgique 2020

N= 1993

14 combinaisons catégories de médias/formats étudiées

Plus de détails : cliquez ici 

Récentes, ces enquêtes sont aussi relativement convergentes. Le tableau ci-dessous compare les résultats des quatre sources en se basant sur des indices : vu les différences de notation utilisées, il a fallu passer par la moyenne tous médias de chacune d’elles, indicée à 100. On peut donc facilement voir les catégories de médias sous-notées en attention (indice inférieur à 100) et celles qui performent mieux que la moyenne (au-delà de 100). Toutes les catégories de médias ne sont pas identiques,  ou n’apparaissent pas dans toutes les sources, mais un bon nombre se retrouvent néanmoins dans les quatre. Ce qui permet de montrer un relatif parallélisme. Même si tous les classements ne sont pas identiques, mais au moins deux constantes apparaissent :

  • De bonnes performances en attention publicitaire pour les médias offline en général, pour la presse en particulier.

  • Une faiblesse relative sur ce plan pour l’ensemble des médias digitaux.

Indexesonsurvey.png

Outre les détails qu’elles donnent sur l’attention (notamment les profils d’utilisateurs), ces enquêtes déclaratives sont souvent très explicatives.

Ainsi, notre étude ‘Alpha’ de 2020 a montré :

  • qu’une perception favorable sur l’intégration de la publicité dans un média ou sur une charge publicitaire considérée acceptable accroît sensiblement le degré d’attention déclarée

  • que la fréquence déclarée de consommation des canaux de communication étudiés est inversement proportionnelle à la moyenne d’attention.

Autre exemple, l’enquête Magnetic Media de 2020 démontre un lien entre attention et pertinence perçue. Au passage, cette étude montre aussi que le ciblage basé sur l’utilisation des données notamment personnelles ne permet pas aux réseaux sociaux ou à la vidéo en ligne de se démarquer totalement sur le plan de la pertinence. Les catégories de médias jugées les plus performantes sur ce point peuvent être considérés comme très « old school » : les magazines papier et la télévision linéaire…

Perceivedrelevancegraph.png

Dernier exemple à ce stade, l’étude « Attention please » démontrait en 2018, la très forte corrélation entre le caractère exclusif de l’usage d’un média (sans multitasking donc) et l’attention déclarée.

Solusactivitygraph.png

Mais bien évidemment on parle ici de déclarations. Les sources utilisées rapportent ce que les individus interrogés disent faire. « Attitudinal construct » tranche une spécialiste de « l’autre camp » (1)

«Faites comme si nous n’étions pas là »

L’autre « courant » veut observer les comportements des individus et recueillir de manière passive des indicateurs physiques d’attention. Les études les plus récentes utilisent « l’eye tracking », le suivi par une caméra des fixations de l’œil sur les messages publicitaires testés. Attention, ce recueil de données nécessite des protocoles précis.

eyetracking1.png

Une des sources utilisées ci-dessous, l’institut Lumen Research (Grande-Bretagne) utilise les données recueillies auprès d’un panel de 1000 individus. Selon son site Internet, Lumen transforme la webcam d’un ordinateur en caméra prête pour le suivi des fixations des yeux. Les panélistes sont invités à télécharger le code nécessaire et à calibrer la caméra. Celle-ci permet alors de tester sites, programmes et publicités TV ou digitales (classiques ou via email), mais aussi des « démos » de journaux, magazines, direct mails ou packagings (on ne teste donc pas les versions physiques de ces médias « offline »). Pour la publicité mobile, c’est la caméra d’un smartphone qui est utilisée pour recueillir les fixations de l’œil.

eyetracking2.png

Pour l’extérieur, toujours selon Lumen (https://www.lumen-research.com/how#how-we-do-it ) , ce sont des senseurs adaptés sur des « lunettes spécialisées » qui servent au recueil d’information sur l’affichage ou les médias « in-store ». 

Ici en particulier, le caractère « naturel » de l’observation peut évidemment être discuté.

eyetracking3.png

Associée à Lumen, la société américaine TVision se base sur un panel de 5000 ménages. Ici, les répondants ont installé une caméra au-dessus de leur téléviseur principal et initialisé un appareil enregistreur. Une fois installé, l’appareil enregistre quand les répondants sont présents dans la pièce et si leur regard est tourné ou non vers l’écran. On parle plus ici de « head-tracking » que de « eye-tracking ». Lequel enregistre en parallèle ce qui apparaissait à l’écran : chaîne, programme, publicité, etc. (2)

Autres méthodes mais assez comparables chez Amplified Intelligence, la société australienne de Karen Nelson-Field, qui revendique 85.000 tests dans quatre pays du globe (3).

Ici, chaque répondant doit télécharger une application dédiée. Celle-ci active la caméra du smartphone pour la transformer ici aussi en mode selfie, qui enregistre le visage du répondant à raison de 5 frames par seconde. Pour le test de publicités TV, un autre téléphone fourni par Amplified Intelligence « streame » du contenu (et de la pub) sur l’écran TV et joue le rôle (sans précision de comment cela se passe) de caméra faciale.

Spécifiquement chez Amplified Intelligence, les données rapportées incluent une mesure intitulée « STAS » pour « Short Term Advertising Strength ». Cette métrique est présentée comme l’effet sur les ventes des produits testés. A l’origine, elle compare effectivement les ventes d’une marque auprès des acheteurs récemment exposés à la publicité de la marque à ceux qui n’ont pas été exposés. Un indice supérieur à 100 indique alors un différentiel positif chez les individus exposés et donc une efficacité mesurée. Chez Amplified Intelligence, l’indice STAS repose sur la visite d’une vitrine virtuelle pilotée par l’application après exposition à la publicité testée. Le répondant est invité à choisir une marque parmi une série de propositions.

Lorsque la marque choisie est celle de la publicité récemment exposée, on s’oriente alors vers un indice positif. Mais il est bien clair que l’indice STAS mesure ici un choix de marque effectué dans un contexte virtuel à l’intérieur d’un protocole précis.

En résumé, les techniques utilisées ont pour objectif d’enregistrer ce que les gens font (pas ce qu’ils disent). Il est néanmoins évident que ces comportements sont recueillis par des protocoles technologiquement évolués , mais qui ne mettent pas les répondants dans des conditions totalement naturelles. Vraisemblablement plus naturelles que celles des études déclaratives, mais on n’est quand même pas dans l’observation pure.

Focus sur des résultats concrets…


(1) Karen NELSON-FIELD & Erica RIEBE (2018) « How advertising attracts attention », Admap Vol 53, n°8, issue 607

(2) Ebiquity (2021) The challenge of attention, p.17.

(3) Karen NELSON-FIELD (2020) The Attention Economy and How Media Works. Simple Truths for Marketers. Palgrave McMillan, pp.37-38

Précédent
Précédent

IAB Mixx Award 2021 - The winning cases of Space

Suivant
Suivant

#2 Dossier: Attention à la publicité : « la » métrique du futur ?