#2 Disparition des cookies… un cataclysme en perspective? Deuxième partie : Impact sur l’univers de la publicité digitale
Les impacts en question sont nombreux et de perspectives différentes. Vous me permettrez de vous lancer à nouveau le « spolier alert » : non, personne n’a encore une vue claire sur ce qu’il va se passer, sur comment les choses évolueront de façon précise ou encore quelles technologies va prendre la pas sur les autres (ou si plusieurs technologies arriveront à cohabiter facilement et en intelligence). Ceci étant dit, poursuivons et voyons d’abord, de façon très pragmatique, les impacts sur notre quotidien d’agence media, avec une vue très tactique dans un premier temps.
Pour cadrer mes propos et ne pas se perdre dans d’innombrables interprétations, je développerai les points suivants en observant ce qu’il se passerait si « on débranchait » la prise cookie tiers d’un coup sans évoquer d’autres solutions. Je ne vais pas échapper au discours alarmiste comme vous le verrez mais je pense que c’est une approche nécessaire pour appréhender correctement ce monde qui vient.
Concrètement, je perds quoi dans mes rapports ?
Tout d’abord, explorons ensemble les impacts sur notre fidèle compagnon lors de la diffusion et du suivi de nos campagnes, j’ai nommé : l’ad server. Ce dernier est la tierce partie par excellence ! C’est une couche technologique supplémentaire que nous ajoutons dans le processus afin de nous fournir une myriade de données et ce, notamment, grâce aux… cookies tiers. Soyons concret, au sein de ce dernier, certaines données ne seront simplement plus disponibles alors que d’autres le seront toujours. Voici un tableau simple pour y voir plus clair :
Plus disponibles | Toujours disponibles |
---|---|
OTS/Capping | Impressions |
Conversions | Clics |
Duplication | CTR% |
Attribution | Viewability |
A la simple lecture du tableau, on comprend directement la catastrophe potentielle dans le suivi et l’optimisation des campagnes digitales. Si on s’en tient à notre postulat de départ (on débranche la prise, cfr supra), des notions essentielles comme la répétition (OTS) et le monitoring de celle-ci (capping) ne seront plus exploitables. On est quand même là, en train de parler d’un des fondamentaux du media planning, ni plus ni moins. Plus orienté « possibilités digitales », le suivi des conversions s’évapore également en grande partie ainsi que les analyses de duplication. Gros coup dur pour les campagnes dites à la performance, non ? Autre jolie promesse du marketing digital : l’attribution ; peut-être l’aboutissement de ce que l’analyse cross site des data personnelles pouvait nous offrir ; reçoit aussi la même sentence. Bien entendu, tout n’est pas si sombre (quoique…) et je l’évoquerai dans la troisième partie qui abordera les solutions possibles. En attendant, poursuivons l’analyse.
De l’autre côté du tableau, pas de panique, on parle davantage de comptages qui ne nécessitent pas de cookie tiers et donc resteront disponibles. Néanmoins, est-ce que se limiter à ce type de données (impressions, clics, …) nous permettra de juger du succès d’une campagne ? Ce n’est déjà plus vraiment le cas aujourd’hui en fait… donc non.
J’en fait quoi de toutes mes audiences?
Continuons notre joyeux parcours en évoquant les audiences. Pour rester dans la continuité des différents articles, je vois renvoie à mon exemple de la partie 1 qui traitait du cas de reciblage publicitaire (ou retargeting) entre le site d’un annonceur automobile et un site A. On parle bien ici de ciblage d’audience et de personnalisation. Toutes les grandes mécaniques qui vous offrent l’opportunité de collecter, de qualifier, de cibler et de recibler les surfeurs se basent en majorité sur les cookies tiers. Une fois de plus, si je débranche la prise dans l’état actuel des choses, tous les scénarios de retargeting et messages personnalisés que vous avez soigneusement préparés et optimisés depuis un certain temps seront balayés. Attention cependant, même si les possibilités de ciblages vont en prendre un sacré coup, plusieurs options resteront disponibles et nous renvoient parfois à d’anciennes techniques qu’on avait rangées dans le carton des solutions surannées. Je sous-entends évidemment ce bon vieux ciblage contextuel (qui me permet, par exemple, d’acheter un emplacement publicitaire d’une section « économie » d’un site pour y placer un message publicitaire traitant d’un nouveau produit d’un annonceur bancaire). Bien entendu, il faudra encore souffler la poussière qui s’est accumulée dessus et l’adapter à ce futur qui nous attend. On en reparlera dans la troisième partie. Je voulais encore citer deux mentions honorables au rayon du ciblage. Le ciblage par device et la géolocalisation demeureront disponibles puisqu’ils ne s’encombrent pas de cookie tier. Gardons quand même à l’esprit que ce n’est pas parce qu’une solution sera techniquement possible qu’elle se fera sans consentement…
Oui, mais l’achat programmatic dans tout ça?
Corolaire de toutes ces techniques de collecte d’audiences et autre impact conséquent, le programmatic. Ce dernier est un écosystème qui se base sur l’audience qui elle-même est créée au travers de cookies tiers. C’est un système dont la vocation est d’exploiter à fond l’open web. Entendons par là, la possibilité de collecter des cookies (= de l’audience) et de les distribuer à d’autres supports interconnectés afin de faciliter et d’augmenter la rapidité de la diffusion de messages publicitaires. Dès lors, l’image du travail de sape sabotant les fondations même du programmatic ne me semble pas surfait lorsqu’on évoque la disparition des cookies tiers. Cependant, je vais ralentir le discours alarmiste, le programmatic ne va pas mourir et disparaitre du jour au lendemain. La technique même sera toujours exploitable mais dans un autre et futur paradigme dont nous ne connaissons pas encore tous les contours actuellement. Ce qui va disparaitre, par contre, c’est l’open web tel que nous l’avons connu et exploité jusqu’à présent.
Pour conclure, comment résumer tout ça?
Concrètement, pour résumer nous pouvons dire/prédire que :
· Les volumes d’audiences vont clairement diminuer.
· Les options de reciblage vont être très limitées.
· La grande foire à l’échange de data d’un système à l’autre vit ses derniers jours.
· La mesure des campagnes sera limitée et affaiblie.
· L’analyse globale du « consumer journey » va devenir un vrai challenge.
Pour conclure cette partie et à la lumière des différents points vus plus haut, je peux clairement affirmer que c’est tout un écosystème complet qui va se briser ou plutôt, soyons optimiste, se remodeler. Finalement, n’est-ce pas le propre de la transformation digitale que de s’adapter ? Parlons justement à présent des pistes pour nous y aider : la troisième partie sera la dernière et explorera les solutions envisageables pour l’heure.